mière scène de l’opéra, les éléments ennemis semblent se plier à une volonté supérieure, et un souffle plaintif, profond et tragique plane comme un souffle calmant sur les combattants épuisés. Quelque précise, claire et saisissable que soit dans cette ouverture, du moins pour une organisation poétique, cette principale idée tragique de l’opéra, il ne s’y trouve pourtant pas un seul passage qui se rapporte immédiatement à la marche dramatique de l’action. Nous ne trouvons nulle part un motif qu’on puisse signaler comme telle ou telle partie de l’opéra. Le mouvement du travail musical de l’ouverture est complètement indépendant des péripéties de la scène. L’auditeur est saisi par les alternatives d’un combat acharné, mais il ne s’attend jamais à le voir se transformer en drame. C’est ici qu’existe la différence radicale entre l’ouverture de Don Juan et celle de Léonore. En écoutant ce dernier morceau, on ne peut se défendre de cette violente anxiété qui nous domine quand nous assistons au développement immédiat d’une action saisissante. Dans cette puissante composition, Beethoven a donné, comme je l’ai déjà dit, un drame musical, drame à part, créé à l’occasion d’un autre drame, et non pas la simple esquisse de l’idée dominante, ou une introduction préparatoire à l’action scénique. La manière de procéder de Beethoven avec la conception de l’élément dramatique nous fait deviner facilement le motif pour lequel il a
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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER