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DE L’OUVERTURE

L’œuvre musicale ainsi animée par le contraste de ces mêmes éléments nous donne immédiatement l’idée la plus grande de la tragédie grecque, et remplit tour à tour nos cœurs d’admiration et de pitié. Nous sommes donc préparés par un sentiment surexcité et sublime ; nous recevons même une intelligence supérieure pour voir se développer devant nous l’action dramatique. Puisse ce magnifique exemple servir, à l’avenir, de règle pour la composition de l’ouverture, et montrer en même temps combien une simplicité grandiose dans le choix des motifs musicaux est faite avant tout pour donner la plus réelle et la plus prompte intelligence des vues les plus élevées de l’artiste ! Combien, au contraire, ce résultat eut été plus difficile à obtenir si, au milieu de la lutte de ces éléments principaux telle que Gluck l’a peinte dans son ouverture, on eût introduit toutes sortes de motifs accessoires destinés à exprimer telle ou telle circonstance secondaire du drame, qui auraient disparu dans la masse ou bien morcelé et affaibli l’impression immédiate ! Malgré cette simplicité dans les moyens d’entraînement, on peut donner encore un vaste champ dramatique au développement musical des idées dominantes dans l’ouverture. Il ne s’agit pas, à la vérité, de cette sorte d’action qu’on ne peut trouver que dans le drame même, mais de celle qui réside dans l’essence de la musique instrumentale. Quand vous traiterez