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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

d’abord à exécution, de manière à voir briller son nom sur ces affiches vers lesquelles se concentrent tous ses efforts. Assurément, il donne maintenant un sou à quelque vieux mendiant bien misérable, avec l’intention bien arrêtée de lui offrir un napoléon d’ici à quelques mois.

Plus le temps s’écoulait depuis que nous nous étions perdus de vue, plus mes efforts pour découvrir mon ami étaient infructueux, et plus je me laissais entraîner par l’assurance imperturbable dont il avait fait preuve dans notre dernière entrevue, si bien qu’enfin j’en vins à jeter de temps à autre un regard inquiet et curieux sur les affiches musicales pour voir si, dans quelque coin de ces affiches, je n’apercevrais pas par hasard le nom de mon enthousiaste. Chose étrange, plus l’inutilité de mes recherches me laissait triste et mécontent, plus aussi je me laissais involontairement aller à l’espoir toujours croissant que mon ami avait peut-être fini par réussir. J’en étais presque venu à me figurer qu’en ce moment même où j’errais inquiet à sa poursuite, l’originalité de son talent avait déjà été reconnue et appréciée par quelque grand personnage ; que déjà peut-être il s’était trouvé chargé de quelques travaux importants, dont il avait su tirer gloire, honneur, que sais-je encore ? Et, après tout, pourquoi non ? me disais-je. Toute âme profondément inspirée ne suit-elle pas les destinées de quelque astre ? Le sien ne