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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

quer mes idées à cet égard. La plus petite composition musicale nait toujours dans l’esprit de l’auteur sous l’influence de quelque émotion, qui, à l’heure créatrice, s’empare de tout son être. Que l’inspiration soit déterminée par quelque impulsion extérieure, ou qu’elle jaillisse d’une source intime et mystérieuse ; qu’elle se manifeste sous la forme de mélancolie, de joie, de désir, de sensation de bien-être, d’amour ou de haine, elle provoquera constamment chez le compositeur quelque formation musicale, et se résoudra d’elle-même en sons, avant même que ces sons n’aient été arrêtés par la volonté de l’artiste. Que l’émotion soit énergique, passionnée, continue ; qu’elle détermine pendant des mois, des années la direction de nos sentiments et de nos idées, elle amènera la naissance d’œuvres plus larges, à dimensions plus vastes, telles, par exemple, que la Sinfonia eroïca. De pareilles dispositions d’àme, qu’elles se manifestent comme souffrances intérieures, ou avec le caractère de la force et du courage, prennent toujours leur source dans quelque événement extérieur, car nous sommes hommes, et notre destinée est régie par tout ce qui nous entoure. Mais ces émotions, au moment où elles forcent le compositeur à produire, se trouvent déjà converties en musique, en sorte qu’aux heures de création, ce n’est pas l’événement extérieur en lui-même, mais bien le sentiment qu’il a éveillé,