suit, sans doute dans le but peu honorable de signaler à l’attention du public les passages où il peut, sans inconvénient, manifester sa satisfaction par des applaudissements ; tandis qu’Halévy a toujours la conscience de sa dignité de compositeur dramatique. De plus, la fécondité de son talent s’annonce par une grande variété de rythmes dramatiques, qui se font remarquer surtout dans l’accompagnement de l’orchestre, dont le mouvement est toujours caractéristique. Mais ce qui nous semble surtout digne d’admiration, c’est qu’Halévy a réussi à imprimer à sa partition le sceau de l’époque où l’action se passe. Pour résoudre ce problème, il ne s’agissait pas de consulter quelques notices d’antiquaire et d’en tirer des indications archéologiques sur des particularités grossières relatives aux mœurs du temps, et qui n’offraient aucun intérêt artistique ; il fallait donner à la musique le parfum de l’époque et reproduire les hommes du moyen-âge dans leur individualité : or c’est en cela que l’auteur de la Juive a parfaitement réussi. Sans doute on ne saurait signaler tel ou tel passage qui dénote plus particulièrement cette intention dans l’auteur, et en ceci il s’est montré véritablement artiste : mais j’avoue pour mon compte que jamais je n’ai entendu de musique dramatique qui m’ait reporté si complètement à une époque quelconque de l’histoire. Comment Halévy est-il parvenu à obtenir cet effet ? c’est un mystère dont
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HALÉVY ET LA « REINE DE CHYPRE »