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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

Nous voyons en effet que ce fut un Allemand qui perfectionna en Allemagne, ennoblit et agrandit l’opéra italien. Ce rare et divin génie, ce fut Mozart. L’histoire de la vie et des progrès de cet artiste incomparable résume en quelque sorte l’histoire de l’art allemand tout entier. Son père était musicien ; il reçut donc dès l’enfance une éducation musicale, qui, sans doute, n’avait d’autre but que de faire de lui un honnête virtuose capable de subvenir à sa propre existence par l’exercice de son talent. Dès son plus jeune âge, il fut assujetti à l’étude de la théorie scientifique et des difficultés de l’application, et l’adulte n’avait plus rien à apprendre à cet égard. Mais doué aussi d’une âme tendre et pieuse et d’une organisation délicate, il sut bientôt s’approprier les secrets intimes de l’art, jusqu’à ce qu’enfin son génie transcendant l’élevât sur un piédestal sacré, au-dessus de toutes les célébrités anciennes ou contemporaines. Resté toute sa vie pauvre et nécessiteux, et constamment rebelle aux tentations et aux avances de la fortune, il personnifie, surtout en lui, par ces qualités privées, le caractère national. Poussant la modestie jusqu’à la timidité, le désintéressement jusqu’à l’oubli de lui-même, il créa des œuvres prodigieuses, et légua à la postérité d’inestimables trésors, sans se croire un autre mérite que celui d’avoir obéi à son instinct de producteur. Quelle autre existence d’artiste pourrait nous