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toire». Siegrune, par conséquent, est « Celle qui sait les runes de victoire, les paroles qui annoncent la victoire ou le charme qui la fixe » (die Siegraunende).

Grimgerde. Le sens ordinaire de Grim (Grimm) est « colère », « fureur ». Gerd est une terminaison commune à beaucoup de noms féminins, dans les vieux langages du Nord ; plus tard, en Allemagne, elle a pris la forme gard (Hilde - gard), qui est demeurée dans Hildegarde, Hermengarde, etc. Si on interprète donc Gerd comme une désignation générale, un nom de femme, Grimgerde signifiera « la Gerd irritée », « la Gerd furieuse ». D’autre part, M. Golther et M. Chamberlain rappellent que grîma , dans l’ancienne langue germanique, signifie « casque », et M. Golther montre que l’on peut identifier ainsi le nom de Grimhild, par exemple, avec cet autre nom, Hehlwige. D’où une deuxième interprétation de Grimgerde, qui rendrait ce nom très voisin de Helmwige, de même qu’Ortlinde, au point de vue de la signification, est très proche de Gerhilde.

Rossweisse. Nom créé par Wagner, qui a librement interprété le nom propre bas allemand Roswit, faisant correspondre ros à Ross (cheval de guerre), et wît (en moyen haut allemand wîz) à weiss (blanc) ; en réalité, si l’on remonte aux origines, c’est l’ancien nom Hrotswitha ou Rotswitha, qui, d’après M. Golther, apparaît comme prototype de Rossweisse ; ce nom se compose de hrod = Ruhm (gloire, renommée), et de swîth = stark (fort, forte) ; d’où sa signification primitive. Wagner a voulu dire, par Rossweisse, « Celle qui chevauche le coursier blanc ».

(12) Siegfried. Ce nom, emprunté par Wagner aux nombreux poèmes et récits de la Siegfriedssage et au Nibelungenlied (Siegfried correspond au Sigurd de l’Edda), signifie étymologiquement « la Paix par la Victoire » ou « la Paix dans la Victoire », de Sieg (victoire), et de Friede (paix). Mais Friede, comme l’observe M. G. S. Chamberlain, signifie aussi « sûreté », « sécurité » (d’où, aujourd’hui encore, le verbe einfrieden). Ce deuxième sens conviendrait mieux au nom que Wagner donne à son héros, et Siegfried signifierait alors « la Sécurité dans la victoire », car le fils de Siegmund est assuré de vaincre. Mais Wagner, selon moi, a choisi délibérément une autre signification, qui exprime mieux encore le caractère de Siegfried, car Brünnhilde s’écrie, au troisième acte :

––––––Den Namen nehm’ er von mir :
––––––« Siegfried » — erfreu’ sich des Sieg’s !

Il confond volontairement, par l’analogie des sonorités, Friede et Freude, et fait de Siegfried « Celui qui se réjouit de la victoire », « le Joyeux dans la victoire ».