Page:Wagner - L’Anneau du Nibelung, trad. Ernst.djvu/217

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elle fait, enfin, condamner irrémissiblement la plate déclamation par valeurs égales qui sévit si tristement dans nos opéras. »

Ce langage où tout est vrai, précis, fortement pensé, se passe de tout commentaire, mais s’impose aux réflexions. Alfred Ernst voyait et signalait sans relâche les belles sources de progrès ouvertes par le wagnérisme. A l’endroit de l’union substantielle du verbe littéraire et du verbe musical, il faut bien convenir que de graves malentendus existent encore. Trop souvent, leurs rapports sont purement arbitraires, sinon d’une évidente fausseté. Pour remédier à ce mal, je ne sais qu’un moyen efficace : la propagation des chefs-d’œuvre de Richard Wagner, à l’aide de traductions comme celles d’Ernst, si fidèles, si nettes qu’elles font apparaître, ou, du moins, transparaître, jusque dans l’intraduisible, l’intime caractère de l’original et le dessein du poëte-compositeur.

Sur la valeur même des versions qui nous occupent, je citerai ici quelques lignes d’une lettre que m’écrivait, le 19 Juin 1898, l’exégète wagnérien le plus justement écouté à cette heure : M. H. S. Chamberlain. Je ne saurais invoquer en faveur des « œuvres de foi, de sacrifice, d’entier dévouement à l’idée » de notre fier et cher frère d’armes, si tôt disparu, un plus haut témoignage.

« Pour quiconque sait ce que Wagner a voulu, dit M. Chamberlain, pour quiconque a étudié un peu à fond le rôle de la parole dans les drames de Wagner et les relations entre les paroles et la musique en ces mêmes drames, il ne peut y avoir l’ombre d’un doute : les traductions d’Alfred Ernst ne sont pas seulement les meilleures qu’on ait faites jusqu’à ce jour ; elles sont les seules acceptables. Ernst était un vrai prodige. Non seulement il avait parfaitement compris le problème à résoudre, non-seulement il possédait l’Anneau du Nibelung,