Page:Wagner - L’Art et la Révolution, 1898, trad. Mesnil.djvu/19

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ments. Wagner partageait ses espérances et sa foi naïve : il se croyait à la veille de la grande révolution humaine, celle qui doit non point modifier quelques unes des formes sociales, mais transformer complètement la nature des relations entre les hommes et leur conception même de la vie. Il allait jusqu’à s’imaginer que cette révolution pourrait s’accomplir pacifiquement, que l’idée nouvelle gagnerait de proche en proche, qu’elle vivrait et se développerait par la seule vertu des hommes de bonne volonté. Le discours qu’il prononça au « Vaterlandsverein » en Juin 1848[1] est d’un enfant sublime : son âme s’y montre semblable à l’âme du peuple candide, enclin au merveilleux, naïvement optimiste, toujours anxieuse du miracle prochain qui d’un seul coup doit faire surgir le monde qu’elle rêve. Il y pousse la confiance dans le bon vouloir de tous au point d’admettre que le roi de Saxe puisse renoncer spontanément à son autorité, se montrer le plus sincère des républicains, n’avoir plus d’autre amhition que d’être le « primus inter pares » le meilleur d’entre des hommes égaux.

Nous nous imaginons difficilement aujourd’hui que le mouvement révolutionnaire de 1848 ait pu faire naître de semblables espoirs : 30 ans se sont écoulés depuis lors, les idées se

  1. Ce discours est reproduit par Glasenapp. Op. cit. II pp 458 et suiv.