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pression de sa vie : elles suivirent toujours l’évolution de son être, elles étaient le résultat de son expérience personnelle, elles se modifiaient en même temps que lui. Jamais elles ne s’immobilisèrent, jamais elles n’eurent un caractère dogmatique, jamais elles ne s’imposèrent à leur auteur comme les manifestations de verités immuables auxquelles il eût dû se soumettre. Il savait qu’il portait en lui ses vérités, il savait que « la variabilité est l’essence du réel », qu’ « il n’y a de vrai que ce qui varie ».

Mais à travers les vicissitudes d’une existence tourmentée, un sûr instinct le conduisit à développer pleinement sa véritable nature et il conserva le sens délicat de son équilibre intime. La musique fut, comme il le dit lui-même, son ange gardien : le mot conserve toujours un caractère intellectuel et représente surtout des idées ; mais la musique est le langage de ce qu’il y a de plus profond, de plus élémentaire dans l’âme humaine ; elle n’est pas seulement l’expression des sentiments, elle jaillit de sources plus souterraines encore : elle vient de cet obscur domaine des impulsions et des instincts, de ce domaine de l’inconscient où gît accumulé tout l’héritage ancestral, toutes les tendances originelles, toutes les forces innommées, tout l’inconnu où aucune science n’a encore pénétré. Et c’est là le fond même de notre