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incessamment actif, le poussaient à faire renaître son essence intime par l’expression idéale de l’Art ; quand sa voix pleine et sonore s’élevait dans le chœur pour chanter les créations du dieu et marquer aux danseurs le rythme plein d’élan de la danse, qui, par son mouvement gracieux et hardi, représentait ces actions mêmes ; quand sur des colonnes harmonieusement ordonnées il voûtait le noble toit, qu’il rangeait les uns au-dessus des autres les vastes hémicycles de l’amphithéâtre et projetait les dispositions ingénieuses de la scène. Tel encore le dieu splendide apparaissait au poète tragique, inspiré par Dionysos, qui montrait à tous les éléments des arts, arts surgis non par ordre, mais d’eux-mêmes, par nécessité naturelle intérieure, le mot hardi qui enchaîne, le but poétique sublime où tous devaient se réunir comme en un foyer unique, pour produire la plus haute œuvre d’art concevable, le Drame.

Là les actions des dieux et des hommes, leurs souffrances, leurs joies — telles qu’elles étaient révélées sombres ou claires dans l’essence supérieure d’Apollon sous forme de rythme éternel, d’éternelle harmonie de tout mouvement — prenaient une réalité sensible ; car toutes les choses qui s’agitaient et vivaient en elles, comme elles s’agitaient et vivaient dans l’âme du spectateur, trouvaient leur expression la plus accomplie là où l’œil et