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nelle et seule vivante. La nature, la nature humaine dictera la loi aux deux sœurs, culture et civilisation : « Dans la mesure où je suis contenue en vous, vous vivrez et fleurirez, dans la mesure où je ne suis pas vous, vous périrez et vous dessécherez. »

Nous prévoyons en tout cas que le progrès de la culture, hostile à l’homme, finira par apporter un heureux résultat : à force de devenir accablante et de contraindre monstrueusement la nature, elle donnera enfin à l’immortelle nature comprimée la force d’élasticité nécessaire pour rejeter loin d’elle d’un seul coup tout le fardeau qui l’écrasait ; et tout cet amoncellement de culture n’aura fait ainsi qu’apprendre à la nature à reconnaitre son immense force ; le mouvement de cette force, c’est la Révolution.

Comment s’exprime au point de vue actuel du mouvement social cette force révolutionnaire ? Ne s’exprime-t-elle pas d’abord en tant que hostilité de l’ouvrier, basée sur la conscience morale de son activité comparée à la paresse coupable ou à l’affaissement immoral des riches ? Ne veut-il pas, comme par vengeance, ériger le principe du travail en unique religion sociale autorisée, contraindre le riche à travailler comme lui, à gagner comme lui son pain quotidien à la sueur de son front ? N’aurions-nous pas à craindre que