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Page:Wagner - La Tétralogie de l’Anneau de Nibelung, 1894.djvu/45

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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

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soleil de Beethoven (1). Lente prise de possession, mais ininterrompue, d’un domaine infini jusqu’au vertigineux !

il semblait à Wagner, depuis cette audition 

de la Symphonie avec Chœurs, que Beethoven lui-même, parfois, du fond de cet infini sacré, lui parlait, l’inspirait, guidait son vol novice, le vol métaphorique et vague de ses intuitions déprises ; et alors, ces paroles de l’invisible guide, du guide invisible et présent, imaginairement entendues, réellement entendues pourtant, Wagner les confiait au papier. Elles lui suggéraient, ces paroles, que, dans le primordial univers, organes de la Nature créée, les sons des instruments futurs préexistaient, bien avant même qu’il fût des hommes elles lui suggéraient, d’autre part, que pour ces hommes la voix humaine est l’interprète du cœur humain, l’immédiat interprète de tout ce qui constitue, - sensations, sentiments, passions, - la Personnalité abstraite, objet plus limité sans doute que la Nature, mais combien plus clair et précis ! Elles concluaient enfin, ces suggestives paroles, que si l’Art parvenait à traduire la Nature, - infinie, imprécise, concrète, - au moyen de l’instrumentation ; la Personnalité, - finie, précise, abstraite, - au moyen du langage humain, de la voix humaine ; si l’Art parvenait, la Nature traduite, la Personnalité traduite, à rendre évidente, dramatique, sensible, la vivante réciprocité perpétuelle, soit de leurs relations générales, soit de leurs réactions plus particulières ; si l’Art réussissait, en outre, à poser dans ses œuvres l’Ame (exprimée par la voix humaine) comme le régulateur des élans, des conflits et des violences de la Nature (exprimée par les instruments), - le cœur de l’auditeur, du spectateur, de l’homme, s’ouvrirait à

(1) Cf. Un Pélerinage chez Beethoven, passim (RICHARD WAGNER, Gesammelte Schriften und Dichtungen, t. Ier).