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Page:Wagner - La Tétralogie de l’Anneau de Nibelung, 1894.djvu/47

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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

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de ses conceptions, à une autre source qu’à cet océan de la publicité officielle, qui s’étendait devant lui en France ? (1) – Evidemment. Mais cette évolution, produite par l’efficace de la Symphonie avec Chœurs, et qui, loin de s’annoncer comme une révolution, restait réduite encore à l’état d’idées vagues, il fallait en une œuvre l’extérioriser : car si d’une part c’était en effet Beethoven qui avait suggéré, même vagues (2), ces idées fécondes à Richard Wagner, d’autre part Beethoven, pourtant, faute d’avoir trouvé un poème qui ouvrit une libre carrière au déploiement de sa toute-puissance musicale, n’avait pas laissé l’œuvre-type (3) qui leur aurait correspondu.

Hé bien, puisque d’ailleurs des idées toutes pareilles, comme l’avoue humblement Wagner, s’étaient sans aucun doute présentées dès longtemps aux grands maîtres ses précurseurs (4), même à ceux chronologiquement indépendants, - tel Glück, – de l’influence de Bee- thoven ; puisque les successeurs de Glück étaient arrivés, pas à pas, à grandir, à lier entre elles, les traditionnelles formes roides, autant qu’étroites, de l’opéra ; puisque, à la condition, toutefois, d’être soutenues par une situation dramatique un peu forte, ces formes suffisaient, parfaitement, a ce qui est le but suprême et

(1) Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LVII.

(2) « L’idéal flottait devant sa pensée. » - Id., p. XIV.

(3) « Pour bien saisir ce que je veux dire, comparez la richesse infinie, prodigieuse du développement dans une symphonie de Beethoven avec les morceaux de musique de son opéra de Fidelio ; vous comprenez sur-le-champ combien le maitre se sentait ici a l’étroit, combien il étouffait, combien il lui était impossible d’arriver jamais à déployer sa puissance originelle ; aussi, comme s'il voulait s’abandonner une fois au moins à la plénitude de son inspiration, avec quelle fureur désespérée il se jette sur l’ouverture, et y ébauche un morceau d’une ampleur et d’une importance jusque-là inconnues ! Cet unique essai d’opéra le laisse plein de dégoût. » (Id., ibid.)

(4) Id., p. LXXVII.