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Page:Wagner - La Tétralogie de l’Anneau de Nibelung, 1894.djvu/53

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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

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sans qu’ils fussent obligés de la perdre un instant de vue : l’ornement musical, loin de les en détourner, ne leur devait paraitre, au contraire, qu’un moyen de la représenter mieux. Ainsi donc, en s’interdisant toute concession quant au sujet, l’artiste par là même s’affranchissait, encore, de toute concession musicale (1). Wagner en concluait, en 1860, qu’on pouvait dans Tannhäuser trouver déjà, sous la forme la plus précise, en quoi consistait son innovation : « Elle ne con- siste pas, dit-il dans je ne sais quelle révolution arbitraire, et toute musicale, dont on s’est avisé de m’imputer la tendance, avec ce beau mot, musique de l’avenir » (2).

Je montrerai plus loin pourquoi Tannhäuser, s’il fallait bien qu’à cette époque son auteur le donnât, en France, pour significatif de son « innovation », ne

(1) Cf. Lettre sur la Musique, éd. nouv., p. LXXXIII. - « La concession que je me suis interdite, quant au sujet, m’a donc affranchi, en même temps, de toute concession, quant à l’exécution musicale. » C’est ainsi que la pensée de Wagner est trahie par le traducteur de la Lettre sur la Musique ; j’ai parlé ci-dessus de l’ « étrange français » de ce traducteur (aujourd’hui, académicien...) : cette phrase en fournit un exempte à s’en rapporter au sons strict, elle pourrait signifier que Wagner, qui dit le contraire, a été « affranchi » par une « concession ». - Ce n’est point une querelle de pédant que je cherche à M. Challemel-Lacour ; mais il me fallait bien saisir une occasion pour expliquer que malgré mes très nombreux emprunts à la Lettre sur la Musique, j’aie mieux aimé rompre ses phrases au rythme de mon propre style. J’ai dit d’ailleurs que, « négligée », la traduction Challemel-Lacour n’en est pas moins des plus « fidèles », en un certain sens général. Que le lecteur ne craigne donc pas de s’y référer ; bien étudiée, elle aurait pu et peut encore rendre d’immenses services et la preuve, c’est que de cet Avant-Propos le chapitre III, tout de compilation volontaire (ainsi que je l’expliquerai plus loin), sera composée, en grande partie, d’extraits intégralement reproduits. -Étant donné mon but : là, je ne pourrai faire mieux.

(2) Id., p. LXXXIII. - On verra ci-après, p. 70, ce qu’entendait Wagner par ces mots : L'Œuvre d’Art (et non pas la « musique ») de l'avenir, Das Kunstwerk der Zukunft.