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creuser, fondre sa proie, forger la fonte, sans repos, sans répit, sans trêve, pour grossir le Trésor du Maître[1].

LOGE

C’est ta paresse, probablement, qu’a voulu punir sa fureur ?

MIME

Pauvre de moi, hélas ! il m’a contraint au pire : il m’avait fait fondre et souder les mailles d’un heaume, un vrai chef-d’œuvre, avec des instructions précises pour en articuler chaque pièce. J’eus bien la perspicacité de remarquer quelle vertu, quelle puissance propres acquérait l’œuvre, à mesure que le métal prenait forme : aussi voulais-je garder le heaume, me soustraire, à l’aide de son charme, à la tyrannie d’Alberich, et peut-être, oui, peut-être, à mon tour, torturer le bourreau lui-même, le mettre en mon pouvoir, lui arracher l’Anneau ; bret, de même que je suis à présent son esclave, faire de l’arrogant mon esclave, à moi, libre !

LOGE

Si perspicace, pourquoi n’as-tu pas réussi ?

  1. C’est surtout en ce passage que Wagner s’est souvenu des paroles prêtées par Raupach à Eugel, roi des Nibelungen, dans le drame du Trésor des Nibelungs (1834). Je ne crois pourtant pas que ces réminiscences aient jusqu’ici frappé personne. « EUGEL : On nous appelle les Nibelungs ; depuis les premiers temps nous habitons au sein de ces rochers ; toujours nous avons pris plaisir à porter ici, dans la nuit, tout ce qui brille, métal ou pierreries, et à en façonner des objets précieux. C’est ainsi que fut amassé ce trésor. Le géant Hreidmar en eut connaissance ; il passa la mer et vint ici se rendre maître de nos richesses et nous réduire nous-mêmes en servitude. Dès lors esclaves, nous fûmes obligés de faire, avec effort, ce qui, jusque-là, avait été un plaisir, et jour et nuit, souvent maltraités, il nous força d’augmenter incessamment ce funeste trésor. » (Prologue, scène III) Peut-être signalerai-je ailleurs d’autres analogies frappantes. Mais du reste, il n’est pas inutile d’ajouter que Raupach lui-même s’est servi de maintes sources, notamment du Hœrner Siegfried (ou Lied vom hürnen Siegfried, ou Siegfriedslied), etc.