Page:Wagner - Le Judaïsme dans la musique, trad. Trèves.djvu/19

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penseur est un poète qui regarde derrière lui. Le vrai poète est seul celui qui est un prophète et dont les regards sont fixés sur l’avenir. Pour être un tel poète, il faut nourrir l’affection la plus ardente pour une communauté dont le poète partage les sentiments et qui s’exprime naturellement par son génie personnel.

Le Juif cultivé n’ayant plus de lien commun avec sa race, ne pouvant pas avoir avec la société où il vit, n’eut bientôt que faire de sa culture étudiée et payée, qui n’était plus pour lui qu’un article de luxe. Or, dans cette culture acquise figurent les arts modernes et parmi ceux-ci, celui que l’on s’assimile le mieux : la musique.

La musique qui, séparée des autres arts, a pu, grâce aux plus grands génies, acquérir une faculté d’expression intense et donner, par une synthèse nouvelle avec les autres arts, une impression touchant au sublime, reste aussi, si elle est isolée, la chose la plus ordinaire et la plus triviale qui soit.

Le Juif cultivé, placé dans la situation que nous avons indiquée, ne pourrait donc en voulant donner une interprétation d’art, qu’exprimer des choses triviales et plates, parce que son sentiment artistique n’était somme toute que futilité ou luxe. Il pouvait suivre l’instinct du moment, qui tenait ou d’un caprice ou d’une chose étrangère à l’art. Jamais rien d’impérieux, de nécessaire, de tangible ne l’inspirait. Il n’avait en vue que le besoin de parler, peu lui important de quoi il parlait, n’ayant plus en vue que la façon dont il le dirait.

Or, comme en musique, en tant qu’art absolu, les plus