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Page:Wagner - Ma vie, vol. 1, 1813-1842.pdf/317

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CÉCILE AVÉNARIUS

ne parvint jamais, que je sache, à achever un seul tableau. Les étrangers qu’on lui adressait et qui lui commandaient des portraits, étaient toujours forcés de quitter Paris avant qu’il les eût terminés. Cela allait même si loin qu’il finit par se plaindre de voir mourir ses modèles sous son pinceau. Seul, son horrible homme de propriétaire, auquel il devait toujours le loyer, sut s’arranger de façon à ce que son portrait fût achevé par l’artiste. C’est, je crois, le seul portrait que Kietz ait jamais fini à Paris.

Ce qui lui réussissait le mieux, c’étaient de légers et naïfs croquis qu’il dessinait le soir rapidement, inspiré par le sujet de notre entretien. Ce même hiver, il fit de moi une esquisse au crayon ; il l’avait très soigneusement exécutée et deux ans après, lorsqu’il eut appris à me mieux connaître, il la retoucha et la laissa dans l’état où elle existe aujourd’hui encore. Il avait pris plaisir à me représenter comme il me voyait pendant nos causeries intimes, lorsque la satisfaction et la vivacité du discours animaient mes traits. Il ne se passait pas de soirée que mon humeur, souvent chagrinée par les déceptions de la journée, ne finît par reprendre la gaieté qui lui était naturelle. Et, pendant cette période de soucis, cela stimula précisément le bon Kietz à me poser en homme absolument sûr de l’avenir et qui regardait en souriant au delà des vicissitudes du moment présent.

Ma sœur cadette, Cécile, était arrivée à Paris avec son mari, Édouard Avénarius, avant la fin de l’année 1839. Nous comprenions sans peine la gêne que la jeune femme éprouvait à nous trouver dans une situation qu’il était