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Page:Wagner - Ma vie, vol. 1, 1813-1842.pdf/44

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VOYAGE À PIED JUSQU’À PRAGUE

exaltée à ma sœur. Ces relations et ces personnes m’enchantèrent par leur nouveauté. De plus, notre maison était devenue le lieu de réunion de quelques beaux esprits de Prague, et parmi ceux-ci se trouvait W. Marsano, un homme aussi beau qu’aimable. Les Contes d’Hoffmann formaient alors le sujet passionnant de toutes les conversations. Ils venaient de paraître et je fis ainsi la connaissance, superficielle il est vrai, de cet écrivain fantasque dont les idées me hantèrent dans la suite, au point de me jeter dans une agitation bizarre qui me faisait concevoir la vie sous un jour singulier.

Au printemps suivant, en 1827, je fis une nouvelle visite à Prague. Cette fois j’y allai à pied, en compagnie de mon camarade Rodolphe Boehme. Le voyage fut plein de péripéties. Au sortir de Teplitz, où nous étions arrivés le premier soir, nous fûmes forcés de prendre une voiture, car nos pieds meurtris par la marche nous refusèrent le service. Mais à Lowositz, déjà, il nous fallut la quitter, faute d’argent. Par un soleil brûlant, à demi morts de faim et de soif, nous suivîmes des chemins de traverse et errâmes-jusqu’au soir dans un pays absolument inconnu. Enfin, nous retrouvâmes la grand’route. Une élégante berline arrivait à notre rencontre. Je pris sur moi de me donner l’apparence d’un pauvre compagnon ouvrier et de demander l’aumône aux nobles voyageurs ; mon camarade s’était caché craintivement dans le fossé. Après avoir choisi, pour nous reposer, une auberge de bonne apparence, au bord de la route, nous délibérâmes s’il était préférable de dépenser l’aumône reçue, pour un repas ou pour un gîte ;