Aller au contenu

Page:Wagner - Ma vie, vol. 1, 1813-1842.pdf/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

30
VOYAGE PÉDESTRE À LEIPZIG

ma mère, moins pour réclamer son prêt que pour rece voir des nouvelles de son jeune ami. Le reste de notre voyage coûta bien des fatigues à nos membres juvéniles. Aussi ma joie fut-elle indescriptible quand, du haut d’une colline, j’aperçus enfin Prague, à une heure de distance.

En approchant des faubourgs, nous rencontrâmes une nouvelle voiture élégante : les deux belles amies de ma sœur Ottilie s’y trouvaient. Elles poussèrent des exclamations d’étonnement, car elles me reconnurent malgré mes traits horriblement défigurés par le hâle et le soleil, ma vareuse de toile bleue et ma casquette d’indienne rouge. Plein de confusion et le cœur battant, je leur répondis à peine et hâtai le pas vers le logis maternel où je m’occupai avant tout de soigner mon visage, brûlé de soleil. Je consacrai deux jours entiers à me faire des compresses de persil ; au bout de ce temps seulement, je m’adonnai de nouveau aux plaisirs de la société. Quand, sur le chemin du retour, je revis Prague du haut de la même colline, j’éclatai en sanglots ; je me jetai sur le sol et longtemps mon ami étonné ne réussit pas à me décider à continuer la route. Je demeurai grave et cette fois nous n’eûmes aucune aventure jusqu’à Dresde.

Cette même année, je parvins à satisfaire mon goût pour les grandes courses à pied en me joignant à une bande de collégiens des diverses classes de notre école, qui avaient décidé de faire un voyage pédestre à Leipzig. Cette excursion m’a laissé quelques-uns de mes plus vifs souvenirs de jeunesse.

Le trait caractéristique de notre société était une tendance prématurée à imiter le genre des étudiants. Comme