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INVITATION POUR LONDRES

C’est précisément à ce moment que je reçus une offre bizarre qui ne devait plus jamais se répéter dans ma vie. En janvier, la Société philharmonique de Londres me demanda si je serais disposé à diriger les concerts qu’elle donnait cette année-là. J’hésitais à répondre, voulant d’abord m’informer exactement des conditions musicales qui me seraient offertes, quand vint me surprendre la visite d’un M. Anderson, membre de la direction de cette célèbre Société. Il était arrivé de Londres à Zurich rien que pour s’assurer de mon consentement. Je devais me rendre à Londres pour quatre mois, diriger huit concerts et recevoir pour ma peine deux cents livres sterling. Je ne savais toujours pas à quoi me résoudre, car, au point de vue pratique, le bénéfice ne serait pas grand et il n’était guère dans mes goûts de diriger des concerts. Une seule chose me tentait, c’était de reprendre contact une fois avec un bel et imposant orchestre, de plus, je croyais voir un signe du destin dans les circonstances pleines de mystère qui amenaient les musiciens d’un monde si étranger à jeter les yeux sur moi. Finalement, je dis oui à M. Anderson dont la physionomie d’Anglais stupide et aimable rayonna quand il reprit le chemin de son île en se drapant dans un beau manteau de fourrure dont j’appris plus tard à connaître le propriétaire.

Avant de partir, j’eus encore à subir quelques tracas que je m’étais mis sur le dos par bonhomie. Le très indiscret directeur du théâtre de Zurich avait fini par obtenir mon autorisation pour une représentation de Tannhäuser. Il était arrivé à ses fins en me reprochant d’avoir