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VOYAGE EN ITALIE AVEC CARL RITTER

J’avais annoncé mon projet d’Italie à Carl Ritter, qui demeurait à Lausanne. Grand fut mon étonnement quand, dans sa réponse, il me fit part que lui aussi songeait à gagner l’Italie. Il irait seul, sa femme devant passer l’hiver en Saxe pour des raisons de famille. Il s’offrait à moi comme compagnon de voyage. Bien mieux, ayant fait un séjour à Venise l’année précédente, il m’assurait qu’à cette saison le climat y était fort supportable. Je me décidai donc à partir avec lui le plus tôt possible. D’abord, je dus m’occuper de mon passeport : j’attendais des ambassades de Berne l’assurance que, réfugié politique, je ne serais pas molesté à Venise ; bien qu’autrichienne, cette ville ne faisait point partie de la Confédération allemande. Liszt, auquel j’avais demandé des renseignements là-dessus, me déconseilla vivement d’y aller ; en revanche, un de mes amis qui, à Berne, s’était informé auprès du ministre d’Autriche, put me rassurer absolument sur mes craintes. De sorte qu’après avoir passé à peine huit jours à Genève, je pouvais informer Cari Ritter que j’étais prêt à partir. J’allai donc le prendre à Lausanne dans sa curieuse villégiature et nous nous mîmes en route.

Abandonnés à nos propres réflexions, nous ne parlâmes guère durant le voyage, qui se fit par le Simplon et le lac Majeur. De Baveno, je retournai visiter les îles Borromées. Là, sur les terrasses de l’isola Bella, en compagnie de mon jeune ami, qui n’était jamais indiscret et plutôt trop silencieux, je jouis d’une admirable matinée d’été ; pour la première fois depuis longtemps, je me sentais parfaitement tranquille et me remis à rêver d’un