Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

259
ON PENSE À MOI AUX TUILERIES

à un déjeuner qu’il nous offrit dans l’excellent restaurant Vachette. Le résultat fut conforme à ses souhaits. La grande simplicité du comte de Pourtalès, sa conversation, ses manières cordiales, tout m’enchanta. À partir de ce jour, le comte de Hatzfeld devint un habitué de mes mercredis et il ne tarda pas à m’apporter un message qui prouvait qu’on pensait à moi aux Tuileries. Il m’invita à l’accompagner chez le comte Bacciochi, premier chambellan de l’empereur, et c’est de celui-ci que je reçus enfin un signe de réponse à mon ancienne requête : il me demanda pourquoi je tenais tant à donner un concert au Grand Opéra ; cela n’intéresserait personne et ne me vaudrait point de succès durable. Il serait préférable peut-être de s’entendre avec M. Alphonse Royer, directeur de cet Institut impérial, pour la composition d’un opéra spécialement destiné aux Parisiens. Je n’en voulus naturellement pas entendre parler et plusieurs conférences pareilles n’aboutirent à rien. Bülow m’accompagna à l’une d’elles et nous pûmes constater que ce singulier comte, que Belloni avait connu jadis contrôleur de billets à la Scala de Milan, était affecté d’un tic qui nous parut risible. Pour cacher le tremblement nerveux de sa main, maladie qui avait sans doute une cause peu honorable, il jouait constamment avec sa badine et la faisait sauter de-ci de-là, en simulant l’adresse d’un acrobate.

Pourtant il semblait que ces rapprochements avec les autorités de la cour impériale ne me rapporteraient rien du tout, quand un matin le comte de Hatzfeld vint me surprendre en m’annonçant que la veille, l’empereur