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CHARLES TRUINET (NUITTER)

encore, de physionomie ouverte et sympathique, m’avait offert, quelques mois auparavant, ses services pour la traduction de mon opéra. Avocat au barreau de Paris, Truinet était le confrère d’Émile Ollivier, et c’est celui-ci qui me l’avait envoyé. Mais moi, très fier alors d’avoir Lindau sous la main, je l’avais éconduit. Après la déclaration de Royer, une nouvelle proposition de la part de Truinet ne pouvait donc m’être que bienvenue. Il ne savait pas l’allemand, mais à son avis la collaboration de son vieux père, qui avait longtemps voyagé en Allemagne, lui suffirait. De fait, des connaissances spéciales d’allemand n’étaient pas nécessaires, puisqu’il s’agissait seulement de donner un tour plus français aux vers que Roche avait élaborés avec tant d’angoisse sous l’impertinente domination de Lindau, qui s’imaginait être la science infuse. Je fus bientôt conquis par la patience inlassable avec laquelle Truinet se soumettait aux modifications continuelles que réclamaient mes exigences de musicien.

L’incapable Lindau fut définitivement écarté, tandis que Roche restait collaborateur, son travail servant de base à la nouvelle versification. Mais Roche ne pouvant s’absenter que difficilement de son bureau, je le libérai de tout labeur et me contentai de demeurer moi-même en contact journalier avec Truinet qui, lui, était maître de son temps. Son titre d’avocat n’était guère qu’une parure ; il ne songeait pas à plaider le moindre procès ; tout son intérêt se portait sur l’administration du Grand Opéra, où l’attachaient, d’ailleurs, ses fonctions d’archiviste. Associé à l’un ou à l’autre de ses camarades,