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INCLINATION ENTRE Mmes TEDESCO ET NIEMANN

de la musique, son attention se porte uniquement sur la virtuosité des artistes. Or, mon Tannhäuser n’avait pas été composé en vue de faire briller des virtuoses ; l’eût-il été d’ailleurs, que je n’en aurais eu aucun à ma disposition. La seule exception était cette puissante juive à l’aspect légèrement grotesque, cette Mme Tedesco qui revenait d’une tournée triomphale en Portugal et en Espagne où elle avait chanté dans des opéras italiens. Elle paraissait fort satisfaite d’avoir, grâce à mon indifférence, obtenu un engagement au Grand Opéra. Je dois dire cependant qu’elle se donna toutes les peines du monde pour s’incarner dans un rôle qui devait lui paraître bien étrange et qu’une véritable tragédienne seule peut tenir convenablement. Pendant un certain temps ses résultats ne furent pas mauvais ; l’inclination évidente que les nombreuses répétitions avaient provoquée entre elle et Niemann y contribua sans doute pour quelque chose. Niemann, de son côté, s’appropriait fort bien la prononciation du français, de sorte que ces répétitions, dans lesquelles Mlle Sax se montra aussi à son avantage, pouvaient donner la certitude d’un succès.

Je n’avais, il est vrai, pas encore vu sous son vrai jour M. Dietzsch, chef d’orchestre et futur directeur de mon opéra. Il n’assistait aux répétitions au piano que pour se rendre bien compte des intentions des chanteurs. Quant au régisseur, M. Cormon, il organisait les jeux de scène avec la vivacité et le savoir-faire habituels aux Français. S’il arrivait que l’un ou l’autre des acteurs ne comprît pas bien ce que je voulais, on s’efforçait toujours d’obéir à mes ordres, car j’étais considéré comme tout-puissant