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RÉUNION AVEC MES AMIS À ZURICH

reusement il était absent ; je ne pus saluer que sa femme, à laquelle je trouvai quelque chose de touchant, et son petit garçon, enfant plein de vie qui conquit mon amitié. Ayant appris que je rencontrerais Sulzer à Zurich le lendemain, je passai le reste de cette journée dans un petit hôtel où je m’absorbai dans la lecture des Années d’apprentissage, de Goethe. Je compris pleinement et pour la première fois cette œuvre bizarre et captivante. L’esprit du poète me devint surtout familier dans la description remarquable qu’il fait du départ des compagnons, où son lyrisme devient presque violent.

Le jour suivant, j’arrivai dès l’aube à Zurich. Une matinée claire et rayonnante me poussa à suivre par le chemin des écoliers mes anciennes promenades de la vallée de la Sihl. J’atteignis ainsi la propriété des Wesendonck. Arrivant tout à fait à l’improviste, je m’informai des habitudes de la maison : on me dit qu’à cette heure-là, M. Wesendonck descendait à la salle à manger pour y prendre, seul, son premier déjeuner. Je m’assis donc dans un coin de la pièce et j’attendis. La haute stature de l’excellent homme apparut enfin ; il se dirigea silencieusement vers la table où son café l’attendait ; soudain il m’aperçut, et son étonnement fut aussi vif que joyeux. La journée s’écoula très gaiement : on fit venir Sulzer, Semper, Herwegh et aussi Gottfried Keller ; je me réjouis que cette surprise m’eût si bien réussi dans des circonstances si particulières et au moment où ma destinée était précisément le sujet des discussions animées de mes amis.

Le lendemain, je me rendis en toute hâte à Carlsruhe ;