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FRÉDÉRIC HEBBEL

Parmi les hommes intéressants avec lesquels j’entrai en rapports à Vienne durant cette époque si pénible pour moi, je citerai le poète Hebbel. Me figurant que la capitale autrichienne deviendrait pour un temps assez long le centre de mon activité, je jugeai raisonnable de me lier avec les notabilités littéraires. Pour me préparer à faire la connaissance de Hebbel, je voulus tout d’abord faire celle de ses œuvres dramatiques. Je les étudiai consciencieusement avec le désir de les trouver bonnes et de me familiariser ainsi avec l’auteur. J’exécutai mon projet malgré le déplaisir que m’inspira la grande faiblesse de ses compositions, le manque de naturel de leur conception ainsi que leurs expressions vulgaires, quoique recherchées. Je n’ai été voir Hebbel qu’une fois et j’ai à peine causé avec lui. Je ne trouvai nullement dans la personnalité du poète la force brutale qui semble prête à éclater dans la plupart de ses personnages. Je n’ai compris ce qui m’avait si étrangement déplu en Hebbel que plusieurs années plus tard, en apprenant qu’il était mort d’un ramollissement des os. Il me parla du théâtre viennois du ton négligent de l’amateur qui n’oublie pas la question des affaires. Je n’eus guère envie de répéter cette visite, surtout après que, m’ayant rendu la mienne sans me rencontrer, il m’eut laissé sa carte où se lisait : « Hebbel, chevalier des plusieurs ordres. »

À Vienne, je retrouvai aussi mon vieil ami Henri Laube. Depuis plusieurs années déjà, il était directeur du Théâtre impérial et royal du Hofburg. Lors de mon dernier séjour, il avait cru de son devoir de me présenter