Page:Wagner - Ma vie, vol. 3, 1850-1864.pdf/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

27
PLAN DU « JEUNE SIEGFRIED »

autre prima donna de Dresde, Mme Gentiluomo-Spatzer, celle qui jadis avait enthousiasmé Marschner et lui avait inspiré des dithyrambes à la Donizetti. Furieux, je finis par bondir du piano en déclarant qu’il m’était impossible d’écrire pour de pareilles péronnelles.

Dès que je me retrouvais ainsi en contact avec le théâtre, ne fût-ce qu’en pensée, j’étais repris d’un découragement que je ne parvenais pas à secouer. Je fus presque soulagé de constater qu’un malaise physique contribuait sans doute à rendre mon humeur si morose. Ce printemps-là, une éruption qui s’étendit sur tout le corps me fit beaucoup souffrir. Mon médecin m’ordonna des bains sulfureux que j’avais à prendre régulièrement chaque matin. Bien que cette cure provoquât une excitation pénible de mon système nerveux et me forçât à faire plus tard usage d’un remède radical, j’éprouvai moralement un effet favorable des promenades matinales que je faisais en ce frais mois de mai pour aller prendre mon bain en ville.

Je conçus alors le plan du Jeune Siegfried, comédie héroïque qui devait précéder et compléter la tragédie de la Mort de Siegfried. Entraîné par la fièvre créatrice, je me persuadai que cette pièce serait plus facile à exécuter que l’autre, si sombre et si puissante. Faisant part de mon intention à Liszt, j’offris à l’Intendance de Weimar, en échange de la subvention annuelle de cinq cents thalers que j’acceptai, le nouveau poème du Jeune Siegfried qu’il me fallait encore versifier et mettre en musique. On se déclara immédiatement d’accord et je me retirai aussitôt dans la petite mansarde qu’avait aban-