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CORNÉLIUS ET TAUSIG

Mêlé à ces pénibles histoires, je n’avais pourtant pas négligé mes relations avec mes anciens amis de Vienne. Un incident curieux s’était passé dès mon arrivée. Comme toujours et partout, je devais lire mes Maîtres Chanteurs à la famille Standhartner aussi et on avait cru bien faire en invitant M. Hanslick à venir les écouter, puisque aussi bien il comptait maintenant parmi mes amis. Mais, au cours de la lecture, on s’aperçut que le dangereux critique devenait de plus en plus pale et de plus en plus maussade. Lorsque j’eus terminé, il partit sans qu’on pût le retenir, en montrant une hâte irritée. Mes amis tombèrent d’accord que Hanslick devait avoir considéré mon poème comme un libelle à son adresse et notre invitation à venir l’écouter comme une insulte. En effet, à partir de ce moment, ses sentiments envers moi changèrent du tout au tout et prirent un caractère de violente hostilité dont j’eus bientôt à supporter les conséquences.

J’avais aussi retrouvé Cornélius et Tausig, auxquels j’en voulais encore de la façon dont ils s’étaient conduits envers moi l’année précédente. La cordiale sympathie que j’avais pour ces jeunes gens m’avait induit à les inviter à venir à Biberich en même temps que les Bülow et les Schnorr. Cornélius avait tout de suite accepté, aussi avais-je été très surpris de recevoir de lui une lettre datée de Genève. Tausig, qui paraissait avoir soudain trouvé des fonds, l’avait emmené dans un voyage sûrement plus agréable et plus important que ce que je leur avais offert. Sans s’excuser le moins du monde ni témoigner le moindre regret, ils s’étaient contentés de m’informer qu’ils venaient de fumer un excellent cigare à ma santé ». Lorsque je