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LE PRINCE ODOIEWSKY

de l’orchestre se cotisèrent et me firent présent d’une tabatière en or sur le couvercle de laquelle étaient gravées ces paroles du chant de Siegmund dans la Walkyrie : « Doch Einer kam » (Quelqu’un est venu…). Je répondis à ce cadeau par ma photographie grand format, que je dédiai à l’orchestre en y transcrivant la fin du vers précédent : « Keiner ging » (Personne n’est sorti).

En dehors de ces musiciens, je fis, grâce à la pressante recommandation de Mme Kalergis, l’intéressante connaissance d’un prince Odoiewsky. À ce que m’avait annoncé mon amie, ce prince était le plus noble des caractères et le plus capable de me comprendre parfaitement. Et, en effet, quand j’arrivai chez lui, après un pénible voyage de plusieurs heures, il m’invita sur-le-champ avec une simplicité patriarcale à m’asseoir à la table de sa famille. Il me fut très difficile de lui expliquer qui j’étais et ce que je voulais. Lui, ne songeait qu’à me faire admirer dans une vaste salle l’instrument en forme d’orgue qu’il avait inventé et qui avait été construit selon ses plans. Personne ne se trouvant là qui eût su en jouer, il dut se contenter de m’expliquer le service religieux qu’à l’aide de cet instrument il organisait chaque dimanche pour ses parents et amis. Me rappelant les exhortations de Mme Kalergis, j’essayai d’intéresser ce prince bienveillant aux difficultés de ma position et aux efforts que je faisais pour en sortir. Il parut réellement ému et s’écria : « J’ai ce qu’il vous faut, parlez à Wolffsohn ! »

M’étant informé, j’appris que ce génie tutélaire n’était pas un banquier, mais bien un romancier russo-juif.

En attendant, mes gains, ajoutés à ceux que j’avais