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MON CHIEN POHL

Mais cette amie originale et intéressante ne répondit pas un mot à ma proposition. Et ne sachant même plus son adresse, je la perdis totalement de vue. Je n’ai appris que bien des années après le secret de sa vie compliquée. J’en ai conclu qu’elle n’avait pas osé me dire la vérité à propos de M. de Guaita. Il paraît que cet homme avait sur elle des droits plus sérieux que je ne le croyais, de sorte que, poussée par les circonstances, elle avait fini par s’abandonner à lui. Celui-ci lui était du reste demeuré fidèle. On m’a raconté que, retirée du théâtre et du monde, elle s’était mariée secrètement à M. de Guaita dont elle avait deux enfants et vivait dans la retraite d’une petite propriété au bord du Rhin.

Jusqu’alors, je n’étais pas arrivé à trouver pour mon travail le calme auquel je me préparais si consciencieusement. Le vol de la tabatière en or que m’avaient donnée les musiciens de Moscou me fit souhaiter d’avoir un chien de garde. Mon aimable vieux propriétaire me céda donc son chien de chasse, dont il ne se servait plus guère. « Pohl » est un des animaux les plus fidèles et les plus gentils que j’aie jamais possédés. En sa compagnie, je faisais journellement de grandes promenades dans les jolis environs, car je me trouvais encore passablement solitaire. Une grave maladie força Tausig à garder le lit pour longtemps, et Cornélius souffrait d’une blessure à la jambe qu’il s’était faite en descendant maladroitement de l’omnibus à Penzing. Je continuai les relations fort amicales que j’avais avec Standhartner et sa famille ainsi qu’avec le frère cadet de Henri Porges. Frédéric Porges était un futur médecin d’agréable carac-