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avec la musique, envisagés cette fois au point de vue dominant de l’œuvre dramatique.

Je me croyais, dans ce livre, obligé de combattre, avant tout, l’opinion erronée de ceux qui s’étaient imaginé que, dans l’opéra proprement dit, l’idéal se trouvait atteint ou du moins immédiatement préparé. En Italie, mais surtout en France et en Allemagne, ce problème a occupé les esprits les plus éminents de la littérature. Le débat des gluckistes et des piccinistes à Paris n’était autre chose qu’une controverse, insoluble de sa nature, sur la question de savoir si c’est dans l’opéra que peut être atteint l’idéal du drame. Ceux qui s’étaient crus fondés à soutenir cette thèse se voyaient, malgré leur victoire apparente, mis en échec par leurs adversaires, dès que ceux-ci décrivaient la prééminence de la musique dans l’opéra, prééminence telle que c’était à la musique et non à la poésie que l’opéra devait son succès. Voltaire, qui inclinait en théorie à admettre la première façon de voir, était ramené par la réalité à cette proposition désespérante : « Ce qui est trop sot pour être dit, on le chante. » En Allemagne, le même problème, soulevé d’abord par Lessing, était discuté entre Schiller et Gœthe, et tous deux penchaient vers l’attente du développement le plus favorable de l’opéra ; et cependant Gœthe, par une contradiction frappante avec son opinion théorique, confirmait malgré lui ce mot de Voltaire ; car il a lui-même composé plusieurs textes d’opéra, et, pour se tenir au niveau du genre, il a trouvé bon de rester, dans l’invention comme dans l’exécution, aussi trivial que possible : aussi ne peut-on voir sans regret ces pièces d’une