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Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/64

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— LVI —

défaut d’originalité l’a réduit à composer son morceau de phrases mélodiques rebattues, et qui par conséquent laissent l’oreille indifférente. Mais dans la bouche de l’amateur ignorant, et en présence d’une vraie musique, cet arrêt n’a qu’une signification : c’est qu’on parle d’une certaine forme étroite de la mélodie, laquelle appartient, comme nous l’avons déjà vu, à l’enfance de l’art musical ; aussi ne prendre plaisir qu’à cette forme doit-il nous paraître chose vraiment puérile. Il s’agit donc moins ici de la mélodie que de la pure forme de danse qu’elle a revêtue d’abord exclusivement.

Je l’avoue, je ne voudrais pas avoir rien dit ici qui rabaissât l’origine première de la forme mélodique. Je crois avoir démontré qu’elle est le principe de la forme achevée de la symphonie de Beethoven ; cela suffirait pour qu’on lui dût une reconnaissance sans mesure. Mais une remarque, une seule est à faire : c’est que cette forme, qui est restée dans l’opéra italien à son état rudimentaire, a reçu dans la symphonie une extension et une perfection qui est à ce premier état comme la plante couronnée de fleurs est à la bouture. J’admets donc pleinement, vous le voyez, l’importance de la forme mélodique primitive comme forme de danse ; et, fidèle au principe que toute forme doit porter, même à son plus haut développement, des traces reconnaissables de son origine, sous peine d’être inintelligible, je prétends retrouver cette forme de danse jusque dans la symphonie de Beethoven, je prétends que cette symphonie, en tant que tissu mélodique, doit être considérée uniquement comme cette forme de danse elle-même, idéalisée.