Aller au contenu

Page:Wagner - Quatre Poèmes d’opéras, 1861.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— LXIV —

sonnage actif, et partout où il n’est pas nécessaire avec un tel rôle, il ne peut plus désormais devenir qu’un embarras et une superfluité ; car sa participation idéale à l’action est passée tout entière à l’orchestre et s’y manifeste sous une forme toujours présente et qui n’embarrasse jamais.

J’ai recours encore une fois à la métaphore pour vous caractériser, en concluant, la grande mélodie telle que je la conçois, qui embrasse l’œuvre dramatique tout entière, et pour cela je m’en tiens à l’impression qu’elle doit nécessairement produire. Le détail infiniment varié qu’elle présente doit se découvrir non pas seulement au connaisseur, mais au profane, à la nature la plus naïve, dès qu’elle est arrivée au recueillement nécessaire. Elle doit donc d’abord produire dans l’âme une disposition pareille à celle qu’une belle forêt produit, au soleil couchant, sur le promeneur qui vient de s’échapper aux bruits de la ville. Cette impression, que je laisse au lecteur à analyser, selon sa propre expérience, dans tous ses effets psychologiques, consiste, et c’est là ce qu’elle a de particulier, dans la perception d’un silence de plus en plus éloquent. Il suffit généralement au but de l’art d’avoir produit cette impression fondamentale, de gouverner par elle l’auditeur à son insu et de le disposer ainsi à un dessein plus élevé ; cette impression éveille spontanément en lui ces tendances supérieures. Celui qui se promène dans la forêt, subjugué par cette impression générale, s’abandonne alors à un recueillement plus durable ; ses facultés, délivrées du tumulte et du bruit de la ville, se tendent et acquièrent un nouveau