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ESQUISSE AUTOBIOGRAPHIQUE

mille des ours, dont j’empruntai le sujet à un conte des Mille et une nuits. J’en avais déjà composé deux numéros, quand je m’aperçus avec dégoût que j’étais encore en train de faire de la musique à la Adam[1] ; mon sens le plus intime se trouva inconsolablement blessé par cette découverte. J’abandonnai mon travail avec horreur. La mise à l’étude et la direction quotidienne de la musique d’Adam et de Bellini avaient donc fini par produire leur effet, en me gâtant bientôt à fond l’insouciant plaisir que j’y prenais. La complète incapacité du public de théâtre de nos villes provinciales, en ce qui concerne un premier jugement à porter sur une œuvre nouvelle (habitué qu’il est à ne voir représenter que des œuvres déjà appréciées et accréditées à l’étranger), me suggéra la résolution de ne faire représenter pour la première fois dans des théâtres inférieurs, à aucun prix, une œuvre de quelque importance.

  1. En français dans le texte.