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ESQUISSE AUTOBIOGRAPHIQUE

ont produit sur moi une impression profonde, et m’ont initié de nouveau aux merveilleux mystères de l’art véritable. Qui veut apprendre à connaître à fond la neuvième symphonie de Beethoven, doit l’entendre jouer par l’orchestre du Conservatoire de Paris… Mais ces concerts sont complètement isolés, rien ne s’y rattache.

Je ne frayais presque pas du tout avec des musiciens : des lettrés, des peintres, formaient ma société ; j’ai fait à Paris plus d’une belle expérience d’amitié.

Me trouvant ainsi dans cette ville sans la moindre perspective en vue, je repris la composition de mon Rienzi ; je le destinais maintenant à Dresde, d’abord parce que je savais qu’à ce théâtre on avait sous la main les meilleurs interprètes, la Devrient, Tichatschek[1], etc., ensuite parce que je pouvais

  1. Tichatschek (Joseph Aloys), ténor célèbre, né en Bohême (11 juillet 1807), étudiait en 1827 la médecine à Vienne, quand la beauté remarquée de sa voix lui fit conseiller de renoncer à cette carrière, et le décida à entrer au théâtre d’opéra. Berlioz, dans ses Mémoires, parle de lui à plusieurs reprises. Avant d’aller à Dresde (1838), où il devait passer de longues années, il débuta comme premier ténor à Grætz (1834) et à Vienne. En 1839, il fit le voyage de Londres pour y chanter l’opéra allemand pendant la saison ; il y retourna les deux années suivantes. Naturellement, ce fut à Dresde que Wagner le connut. Fétis dit l’avoir entendu en 1830 au théâtre de cette ville, et le perd de vue à partir de cette époque. Tichatschek, s’il vit encore, a donc soixante-seize ans, âge que doit rarement atteindre un premier ténor célèbre.