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ses ennemis pour se sentir conscient de sa propre valeur doit avoir infiniment de patience, mais fort peu de raisons valables pour être sûr de soi. Par conséquent, prenez tout ce que je vais vous dire comme le témoignage d’un homme dont le cœur seul guide les propos, et qui parle avec autant d’assurance que s’il n’existait dans tout le monde aucune maxime, ou que toutes les maximes lui donnaient raison.

Mais j’ai un autre motif de perplexité : que dois-je bien vous écrire ? Vous fûtes témoin de l’admirable enthousiasme que provoquèrent en moi l’exécution et la publication des nouvelles œuvres de Liszt. Vous m’avez vu, alors que j’étais tout entier dominé par la joie et le saisissement de savoir qu’une telle chose avait été créée et que je pouvais la connaître. Certainement, vous avez remarqué alors combien j’étais volontiers sobre de paroles, et vous avez, je pense, attribué mon silence à la profondeur de mon émotion. Telle en était bien la première des causes ; mais je dois vous dire que, maintenant encore, la réflexion me confirme dans ce silence. J’ai de plus en plus pleinement conscience que la partie la plus essentielle, la plus intime, de nos opinions peut d’autant moins se communiquer qu’elle