Page:Wagner - Sur les Poèmes symphoniques de Franz Liszt, 1904, trad. Calvocoressi.djvu/43

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soit empreinte de ce caractère individuel : qui veut s’en assimiler une en doit accepter cette condition inévitable. Pour voir ce que voit un autre individu, il faut regarder avec les mêmes yeux que lui : et cela, celui qui aime peut seul le faire. Si donc nous aimons un grand artiste, il faut qu’en nous assimilant sa conception nous ayons acquis nous-mêmes quelque chose de sa propre personnalité, de ses tendances grâce auxquelles est née sa conception créatrice. Or, comme jamais je n’ai ressenti l’action vivifiante et révélatrice d’un tel amour avec plus d’intensité qu’en l’amour que je porte à Liszt, j’ai le besoin de crier hardiment à tous ceux que retient le manque de confiance : « Soyez confiants, et vous serez bientôt stupéfaits des fruits de votre confiance ! Si vous hésitez, si vous craignez d’être déçus, qu’il vous suffise de connaître de près celui en qui vous devez vous confier. Savez-vous un musicien plus profondément musicien que Liszt, et qui possède en soi plus pleinement, plus complètement que lui, la puissance tout entière de la musique ? Quel être trouverez-vous dont la sensibilité soit plus fine, plus intense que la sienne, dont la science et le pouvoir soient plus grands, qui soit mieux doué que lui par la