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Page:Wagner - Tristan et Yseult, 1886, trad. Wilder.djvu/48

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ACTE DEUXIÈME

Quel mensonge abusait ton regard ébloui
Que tu voulus livrer la femme
Qui t’avait entre tous choisi ?

TRISTAN.

L’éclat menteur d’un brillant diadème,
Les vains honneurs qu’on rend aux rois,
Avaient trompé mes yeux, trompé mon cœur lui-même. —
Tu rayonnais au rang suprême
Où ton orgueil avait des droits ;
Un peuple entier, un peuple en fête,
Devant Yseult courbait la tête ;
Comment un humble paladin
Eut-il osé briguer ta main ? —
L’image que j’aimais, l’image de la femme
À qui, sans le vouloir, j’avais donné mon cœur,
L’image, dont mes yeux avaient rempli mon âme,
Brillait aux feux du jour dans toute sa splendeur ;
Je ne vis plus devant moi qu’une reine
Et, l’âme pleine encor de toi,
J’allai vanter au roi
Ta royale beauté, ta grâce souveraine. —
Alors tous ceux, que lassait ma faveur,
Répandirent le bruit menteur
Que j’aspirais au sang suprême
Et convoitais le diadème. —
Pour venger mon renom et sauver mon honneur
Je m’imposais ma plus rude victoire
Et j’immolai mon amour à ma gloire !

YSEULT.

Ô perfide clarté du jour !
Hélas, par elle abusée à mon tour,
J’ai dû te mépriser et te maudire. —