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Page:Wagner - Tristan et Yseult, 1886, trad. Wilder.djvu/50

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ACTE DEUXIÈME

Car, du seuil de la mort, où mon pied s’est posé,
J’ai contemplé la splendeur merveilleuse
De ce monde inconnu,
Que mes yeux n’avaient vu
Qu’à travers une ombre trompeuse. —
La beauté dont la gloire aveuglait mon amour,
Loin de l’éclat menteur du jour,
Par toi, philtre adoré, sort des vapeurs du rêve !

YSEULT.

Mais le jour odieux t’a poursuivi sans trêve,
Et s’est bientôt vengé de toi,
En te forçant de livrer, à ton roi,
La main de celle, hélas, qui t’était destinée. —
Sous le fardeau d’un diadème d’or,
La pâle Yseult s’est inclinée. —
Et je l’ai pu souffrir ! et je le souffre encor !

TRISTAN.

Ah ! laissons ce mensonge infâme,
Dont le monde a voulu nous imposer la loi ;
Rien ne peut désormais me séparer de toi ! —
De sa vaine splendeur, de l’orgueil de sa flamme,
Le jour n’aveugle plus nos yeux ;
Son éclat décevant, qui nous est odieux,
Perd sa puissance redoutable. —
J’ai fixé mon regard dans la nuit du trépas
Et j’ai surpris son mystère ineffable ;
Les vains honneurs, pour moi, n’ont plus d’appas
Et la gloire n’est rien qu’une vague chimère,
Un mirage éphémère,
Qu’un souffle jette à bas ! —
Un seul espoir m’anime, un seul désir me reste ;
L’ardente volupté de plonger dans la nuit,