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CHAPITRE II

de l’ère chrétienne et des ères de la passion et de l’ascension.

L’ère de J. C. est celle des Latins. Les Grecs et les Orientaux ne l’employaient guère dans leurs actes publics. L’usage de l’ère chrétienne a été introduit en Italie au vie siècle par Denys le Petit, et en France au plus tôt dans le cours du viie siècle[1].

Comme les auteurs qui ont fait usage de l’ère chrétienne ne s’accordent pas sur la manière de commencer l’année, il est important de connaître les différents systèmes qui ont été suivis à cet égard, pour en expliquer les contradictions apparentes[2].

Les uns commençaient, comme nous, l’année au 1er janvier, jour de la Circoncision ; d’autres prenaient pour point de départ la naissance de J. C, c’est-à-dire le 25 décembre ; d’autres, enfin, le jour de la Conception, qui est le 25 mars. Mais ces derniers variaient entre eux d’une année entière, en sorte

  1. La date de l’Incarnation ne se montre que très-rarement dans les actes pontificaux du viie siècle. Elle se trouve, pour la première fois peut-être, dans une bulle de Boniface IV, où elle est employée d’une manière fautive ; et dans une bulle de Théodore, où l’on suppose qu’elle a été ajoutée après coup. Au ixe siècle, on en rencontre déjà plusieurs exemples qu’on ne doit pas suspecter. À la fin du xe, elle devient plus ordinaire ; l’usage s’en affermit sous Léon IX. Quelques remarque plus spéciales sur l’emploi de cette date se rattachent à la distinction des différentes espèces de bulles : elles ne peuvent trouver ici leur place. Les rois d’Angleterre commencèrent dès le viie siècle à dater de l’Incarnation. Au viiie, cette date figurait en France dans presque tous les actes ecclésiastiques, et dans un grand nombre de chartes particulières. Charlemagne est le premier de nos rois qui l’ait employée ; encore ne le fit-il que rarement. Elle devient plus ordinaire dans les diplômes de Charles le Gros. Quoique généralement adoptée en Europe au xe siècle, elle ne parut en Espagne qu’au siècle suivant, sans cependant qu’elle ait été suivie uniformément avant le milieu du xive ; d’un autre côté, les rois de Portugal ne commencèrent à l’employer que vers le commencement du xve siècle. Enfin elle ne devint d’un usage ordinaire chez les chrétiens d’Orient que depuis la prise de Constantinople.
  2. Nous ne parlons pas des discussions qui ont été élevées sur la véritable époque de la naissance de Notre-Seigneur, parce qu’elles ont pour but, non d’expliquer, mais de réformer la chronologie qui a été suivie jusqu’à nos jours. Suivant notre ère vulgaire, Jésus-Christ est né l’an 753 de la fondation de Rome ; et, suivant les plus habiles chronologistes, il serait né cinq années plus tôt, c’est-à-dire en l’an de Rome 748.