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Surplombent la pâle contrée
Où mon désespoir s’éveilla.

Solitude qu’un rêve crée !
Jamais l’aube n’étincela
Dans cette ombre démesurée.

La nuit ! la nuit ! rien au delà !
Seule une voir monte, éplorée ;
O ténèbres, écoutez-la.

C’est ton chant qu’emporte Borée,
Ton chant où mou cri se mêla,
Éternelle désespérée,
Philoméla ! Philoméla !

« Tel est l’excellent et charmant morceau par lequel s’ouvre le livre lyrique de M. Catulle Mendès. N’y reconnait-on pas tout de suite l’artiste savant et le poète de race ? » Une fois de plus l’éminent critique avait bien jugé, et l’avenir s’est chargé de confirmer son jugement.

L’œuvre de M. Catulle Mendès est trop universellement connue pour qu’il soit besoin de l’analyser ici. L’essai de bibliographie qui précède ces lignes donne d’ailleurs la liste des principaux ouvrages du poète et permet de juger de l’étonnante fécondité de son génie. On sait que, toujours jeune, toujours vaillant, toujours nouveau, le grand et pur artiste qu’est M. Mendès s’est transformé sans cesse ; que c’est à bon droit qu’on l’a appelé le Poéte-Protée ; que ce robuste qui considère comme un de ses plus beaux titres de gloire d’être un travailleur infatigable et consciencieux, est en même temps une des plus prodigieuses intelligences que le siècle ait produites ; que ses grandes qualités de poète se retrouvent dans ses contes, dans toute son œuvre en prose, et qu’enfin, si, poète, il possède cette rare perfection de la forme qui faisait dire récemment à M. Rostand.

Tu fais toujours, divin pervers,
Loucher tous les poètes vers
La perfection de ton vers,

il est aussi au premier rang des prosateurs du siècle. On sait qu’après dix volumes de vers, vingt drames et cinquante romans, il s’est renouvelé encore, et, tel Gautier, son maître, s’est révélé prince de la critique.

Or, quel est le secret du charme singulier et puissant qui émane de toute son œuvre ? Ne serait-ce point simplement que ce magicien du style possède le don de créer toujours et partout de l’harmonie et de la beauté ? qu’il transforme en visions de splendeur tout ce qu’il touche ? Si son verbe nous séduit irrésistiblement et nous grise comme un parfum subtil, n’est-ce point précisément, et pour tout dire en un mot, parce qu’il est partout et toujours poète ?