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Les enfants l’adoraient !… Ils m’aimaient bien aussi !
Je n’ai pas toujours eu l’air fauve que voici ;
Le meurtre, voyez-vous, déforme le sourire,
Et j’ai beaucoup tué ! — Quelques-uns d’entre vous
Sont des savants, dit-on :je n’en suis pas jaloux,
Car j’ai fait plus de mal qu’ils n’en pourront écrire.

Et pourtant que de joie en mon humble métier !
J’ai vécu de chansons pendant un an entier ;
Quand on entendait rire, on disait : « C’est l’école ! »
L’enfant n’est bien souvent qu’un ange curieux
Qui vient pour essayer la vie, une heure ou deux,
Et qui, la trouvant triste, ouvre l’aile… et s’envole.

Sans doute ils oubliaient chez moi le paradis,
Car tous m’étaient restés. — Ce que je vous en dis
N’est pas pour me vanter ; j’avais cette chimère
Qu’à la longue, fût-il faible ou fort, blond ou brun,
Le ciel finirait bien par m’en envoyer un
Dont ma femme serait le portrait… et la mère.

La guerre vint. — Forbach ! Reichshoffen ! — Votre roi
Chantait : « Louange à Dieu ! » — Je ne sais pas pourquoi
Un peuple écoute un roi qui l’appelle à la guerre.
Il serait fort aisé pourtant de dire : « Non !
Nous ne sommes point faits pour nourrir le canon !… »
Je suis, vous le voyez, un esprit très vulgaire.

Enfin Sedan ! — Un soir, les habitants du bourg
Sortent de leurs maisons. — On battait le tambour.
On court, on se rassemble au préau de l’église…
Les vitraux flamboyaient aux lueurs du couchant ;
C’était l’heure où chacun est revenu du champ,
Où l’azur, comme on dit chez nous, se fleurdelisé.

Le maire était monté sur un large escabeau,
Et parlait. A la main il tenait un drapeau
Où l’on avait écrit : « Vive la République ! »
« C’est au peuple, dit-il, qu’on en veut cette fois !
On brûle nos hameaux ; il nous reste les bois ;
La liberté s’y plaît, et c’est sa basilique !

« L’arbre abrite et nourrit l’homme qui se défend !
Amènera qui veut sa femme et son enfant !