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Douze heures !… Viens, sors dans ta robe
De danseuse au joli froufrou !

« Que ce long jour me fut morose,
Ma bien-aimée, en ce sillon
Qui m’éclairait le papillon
Mourant aux lèvres de la rose !

« La rose est moins belle que toi,
Moins légères sont les gazelles,
Mais tous les deux ils ont des ailes !…
D’un mot, un seul, donne-les-moi !

« Dans l’ombre où s’efface la ferme
Les chiens ont cessé leurs abois ;
La lune électrise les bois ;
C’est notre heure, la fleur se ferme !

« Viens, si nous sommes les hideux
Pour ceux qu’il fit à son image,
L’Être Informe nous dédommage
Par le bonheur de l’être à deux !

« Il n’est qu’un crime, c’est de naitre,
Et qu’une vertu, c’est d’aimer ;
La fonction, c’est d’essaimer ;
L’honneur en ce monde est d’en être !

« Viens, exaltons à deux genoux
Celui contre qui déblatère
Le seul être heureux sur la terre,
Reproduisons-nous, aimons-nous !

« Si ma vie est trois fois amère,
Je n’y maudis que tes retards ;
Ils seront beaux, viens, nos têtards,
Ils ressembleront à leur mère !… »

Voilà ce qu’exhale à la nuit
Le souffle qu’on ouït à peine,
Et, compatissante à sa peine,
La chouette aveugle y huit ;

Et la vipère, vieille amie,
Pour le consoler à son tour,
Siffle, bave et s’enroule autour
De sa fraternelle infamie ;