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Tu n’as pas l’air chrétien, le croyant s’en étonne,
O figure fatale, exacte et monotone,
Pareille à sept clous d’or plantés dans un drap noir.

Ta précise lenteur et ta froide lumière
Déconcertent la foi : c’est toi qui la première
M’as fait examiner mes prières du soir.


LE DOUTE


La blanche Vérité dort au fond d’un grand puits.
Plus d’un fuit cet abîme ou n’y prend jamais garde ;
Moi, par un sombre amour, tout seul je m’y hasarde,
J’y descends à travers la plus noire des nuits ;

Et j’entraîne le câble aussi loin que je puis ;
Or, je l’ai déroulé jusqu’au bout : je regarde,
Et, les bras étendus, la prunelle hagarde,
J’oscille sans rien voir ni rencontrer d’appuis.

Elle est là cependant, je l’entends qui respire ;
Mais, pendule éternel que sa puissance attire,
Je passe et je repasse et tâte l’ombre en vain ;

Ne pourrai-je allonger cette corde flottante,
Ni remonter au jour dont la gaîté me tente ?
Et dois-je dans l’horreur me balancer sans fin ?


CORPS ET AMES


Heureuses les lèvres de chair !
Leurs baisers se peuvent répondre ;
Et les poitrines pleines d’air !
Leurs soupirs se peuvent confondre.

Heureux les cœurs, les cœurs de sang !
Leurs battements peuvent s’entendre ;
Et les bras ! ils peuvent se tendre,
Se posséder en s’enlaçant.

Heureux aussi les doigts ! ils touchent ;
Les yeux ! ils voient. Heureux les corps !