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renferme toute la beauté d’un mythe, tout l’esprit d’une époque, tout le pittoresque d’une civilisation. » On retrouve, en effet, dans ces merveilleux poèmes, la nature ardente et fleurie où s’écoula l’enfance du poète, l’âme des Conquistadores dont il descend, les purs souvenirs de la beauté antique qu’il évoque pieusement. Le sonnet, avant José-Maria da Heredia, n’approchait pas de la richesse et de la grandeur que cet ouvrier poète lui a données. (Anatole France.)

Les lignes suivantes de M. Gaston Deschamps, en même temps qu’elles expliquent le souci d’exactitude qui hante constamment le poète, nous font assister en quelque sorte à l’élaboration lente et tout intérieure des chefs-d’œuvre dont le maître sonnettiste enrichit la littérature française :

« Les vers de José-Maria de Heredia attestent un vif souci d’exactitude… Que voulez-vous ? Quand on a été c h artiste, on reste toujours ami des textes et des documents… Heredia a fréquenté, tout jeune, les archives, les vieilles armures et les églises vénérables — Il s’est habitué à saisir d’une vue directe la figure du passé. Il s’est plu aux doctes dissertations, aux monographies, aux recueils de parchemins, aux albums d’armoiries, aux glossaires. Il est demeuré grand lecteur de mémoires érudits, de brochures rares, de commentaires peu connus. Les sociétés savantes des départements lui ont fourni, plusieurs fois, des motifs de poésie : souvent une planche d’archéologie entrevue dans une bibliothèque, un pan de mur, une statue cassée qui gît dans l’herbe, un fragment de stèle, une guirlande de palmettes qui court sur une frise, se fixent dans son esprit, l’accompagnent partout, à pied et à cheval, en voiture ou en omnibus, au théâtre et dans le monde. Les jours passent, les semaines, les mois, parfois les années. La vision s’enrichit de lectures et de méditations nouvelles ; elle attire des mots colorés et sonores ; elle se vêt de pourpre, d’azur et d’or ; elle se couvre de cristaux et d’aiguilles comme ces branches de bois mort que l’on jette dans les mines de Harz. Brusquement elle éclate en une magnificence de phrases, en un triomphe de rimes ; elle scintille, elle éblouit’, elle émerveille. La poésie française compte un sonnet de plus… Successeur des poètes qui ont introduit l’Espagne en France, héritier d’une longue lignée qui va de Jean Chapelain à Pierre Corneille et d’Abel Hugo à Victor Hugo, l’auteur des Trophées se distingue cependant de tous ses devanciers par des traits qui lui sont personnels. Son char Us me n’a pas nui, tant s’en faut, à son esthétique. Les triomphes de la philologie l’ont émerveillé. Il a vu les profondeurs du passé magnifiquement illuminées par ces sciences très spéciales que le vulgaire ignore ou méprise, et qui sont d’admirables lampes de mineur : l’archéologie, l’épigraphie, la diplomatique. Il a compris que l’office et le bienfait de la litté-