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LES DEUX DÉESSES


La guerre avait été rapide, mais sanglante.
Un deuil mêlé d’angoisse assombrissait les yeux ;
Et, vers un ciel meilleur levant sa main tremblante,
Athène avait placé la Paix au rang des dieux.

En vain, grand ennemi de ces cultes d’Asie
Qui pouvaient énerver son peuple et l’affaiblir,
Périclès trouvait l’heure imprudemment choisie :
La volonté d’Athène avait dû s’accomplir.

Le temple s’élevait auprès de l’ancien Stade,
Sur la place où jadis avait campé Xerxès ;
Ictinus en avait dessiné la façade,
Et le portique était l’œuvre de Mnésiclès.

Les colonnes étaient de marbre pentélique ;
Par deux portes d’argent le portail était clos ;
Et sous le péristyle, à la muraille oblique,
Zeuxis et Parrhasius avaient peint deux tableaux :

— Sur l’un : au grand soleil c’est la moisson qui chante,
Sans ombre, les figuiers ne sont pas assez hauts,
Mais la gaîté rayonne et mêle, encourageante,
Le bruit léger des voix au bruit sourd des fléaux.

Sur leurs fronts gracieux, portant la lourde gerbe,
Les jeunes filles vont riant aux jeunes gens ;
L’été splendide a fait la récolte superbe,
Et l’hiver peut venir sans trouver d’indigents.

Le second représente un gai faubourg d’Athènes :
Par la sérénité tranquille des beaux soirs,
Les vendangeurs lassés courent boire aux fontaines,
Et, pieds nus, les enfants dansent dans les pressoirs.

Dans un coin, à l’écart des gaités populaires,
Une femme au sein blanc berce son fils, qui dort,
Tandis que sur le quai, déchargeant ses galères,
Un marchand réjoui sourit à ses sacs d’or.

Tous les abords du temple étaient plantés de roses,
Comme si, pour prier, l’âme s’y parfumait ;