Mais elle, qui ne veut m’entendre,
Jette un fagot, range la cendre :
« Chauffe-toi, soldat, chauffe-toi.
— Bonne vieille, je n’ai pas faim.
Garde ton jambon et ton vin ;
J’ai mangé la soupe à l’étape.
Veux-tu bien m’ôter cette nappe !
C’est trop bon et trop beau pour moi. »
Mais elle, qui n’en veut rien faire,
Taille mon pain, remplit mon verre :
o Refais-toi, soldat, refais-toi.
— Bonne vieille, pour qui ces draps ?
Par ma foi, tu n’y penses pas !
Et ton étable ? et cette paille
Où l’on fait son lit à sa taille ?
Je dormirai là comme un roi. »
Mais elle, qui n’en veut démordre,
Place les draps, met tout en ordre :
« Couche-toi, soldat, couche-toi ! »
Le jour vient, le départ aussi. —
« Allons ! adieu… Mais qu’est ceci ?
Mon sac est plus lourd que la veille…
Ah ! bonne hôtesse ! ah ! chère vieille,
Pourquoi tant me gâter, pourquoi ? »
Et la bonne vieille de dire,
Moitié larme, moitié sourire :
« J’ai mon gars soldat comme toi ! »
Lorsque nous aurons fait la guerre triomphante,
Et que notre Patrie aura repris son rang,
Alors, avec les maux que la conquête enfante,
Disparaîtra l’horreur qui suit le conquérant.