Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin comme un bohémien,
Par la Nature, — heureux comme avec une femme.
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent, où le soleil de la montagne fière
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut ;
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature ! berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine.
Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond,
À genoux, cinq petits — misère ! —
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…