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séduction infinie, soit qu’il se plût à dire une anecdote,…, soit qu’il s’oubliât à rappeler des amis chers et disparus, soit qu’il exposât de séduisantes et hautaines doctrines sur la poésie et sur l’art, sur le poème en prose et sur la chronique, sur la musique et sur le théâtre…

« Plus tard, ceux qui auront connu Stéphane Mallarmé dans leur prime jeunesse, ceux qui l’auront aimé comme l’un des plus purs, des plus désintéressés parmi les poètes, ceux qui l’auront entendu et qui auront chéri sa parole, raconteront sa vie comme le bon Xénophon raconta celle de Socrate. Fidèles, scrupuleux, ils commenteront vers par vers ses sonnets, et cela dans le but unique de révéler aux jeunes hommes de ce temps futur quel noble, profond et merveilleux artiste fut Stéphane Mallarmé ». (Bernard Lazare, Figures contemporaines.)

Parmi les auditeurs et les disciples de Mallarmé, il convient de citer : Edouard Dujardin, Théodore Duret, Félix Fénéon, René Ghil, Gustave Kahn, Jules Laforgue, Albert Mockel, Charles Morice, Henri de Régnier, Laurent Tailhade, Francis Vielé-Griffin, Charles Vignier, Téodor de Wyzewa, etc., puis Paul Claudel, André Fontainas, André Gide, A. Ferdinand Hérold, Pierre Louys, Camille Mauclair, Stuart Merrill, Jean de Mitty, John Payne, Adolphe Retté, Paul Valéry, le regretté Marcel Schwob, etc.

« La causerie naissait vite. Sans pose, avec des silences, elle allait d’elle-même aux régions élevées que visite la méditation. Un geste léger commentait ou venait souligner ; on suivait le beau regard, doux comme celui d’un frère aîné, finement sourieur, mais profond, et où il y avait parfois une mystérieuse solennité. Nous passions là des heures inoubliables, les meilleures sans doute que nous connaîtrons jamais ; nous y assistions, parmi toutes les grâces et toutes les séductions de la parole, à ce culte désintéressé des idées qui est la joie religieuse de l’esprit. Et celui qui nous accueillait ainsi était le type absolu du poète, le cœur qui sait aimer, le front qui sait comprendre, inférieur à nulle chose, et n’en dédaignant aucune, car il discernait en chacune un secret enseignement ou une image de la Beauté… » (Albert Mockel, Stéphane Mallarmé. Un Héros.)

En 1895, Stéphane Mallarmé se retira dans sa petite maison de Valvins, au bord de la Seine, près de Fontainebleau, dont il avait fait a le lieu préféré de sa solitude et de sa rêverie ». Il y mourut en 1898, après s’être vu proclamer « Prince des poètes » en 1896, à la mort de Verlaine.

Stéphane Mallarmé a voulu employer la poésie à des fins nouvelles. Son but, dit Mr Catulle Mendès dans son Rapport sur le mouvement poétique français de 1861 à 1900, « il faut le demander plutôt qu’à son œuvre si nettement ténébreuse, dont l’intention apparaît à la fois stricte et vague, au souvenir de ses conversations, charmantes et lucides. Si j’ai bien compris ce qu’il m’a